“ – Deux d’un coup. Au moins c’est fait. ”

“ – Deux d’un coup. Au moins c’est fait. ”

Deux d’un coup. Au moins c’est fait. Cette phrase banale, je l’ai entendu tant de fois. De personnes inconnues. De personnes plus ou moins proches. Même de mon conjoint.

Au moins c’est fait, sous entendu, tu voulais deux enfants et bien les voilà. Après plus rien. C’est comme ca, que j’ai commencé à faire le deuil. Le deuil d’une autre grossesse. Le deuil d’un autre enfant. Bien avant les difficultés auxquelles j’ai été confrontée avec l’arrivée de mes jumeaux.

Oui, j’en ai eu deux d’un coup. Comme un coup de chance. Comme le jackpot gagné au loto. Mais j’ai pas choisi. J’ai pas joué.

Je voulais fonder une famille de trois. Je fonderais une famille de deux en une seule grossesse. Le deuil. Au moins c’est fait.

C’est fait mais avoir deux enfants en même temps n’a rien à avoir avec deux enfants singletons. Donner naissance à deux enfants en même temps ce n’est pas pareil que donner naissance à un seul bébé. Et j’aurais aimé connaître cela. Élever deux enfants du même âge est aussi très différent. Alors c’est fait oui, comme ils disent. Mais ce n’est pas acquis en moi. La dépression m’a bien évident aidé à ne pas vouloir et pouvoir faire un autre enfant. Mais que cette phrase fait mal.

J’aurais aimé pouvoir me remettre en question sur mon éducation avec mes enfants, et avoir ce recul. Aujourd’hui je ne l’aurai pas. J’aurais aimé peut être et sûrement faire autrement, être mieux accompagné. Aujourd’hui c’est fait et déjà passé. J’aurais aimé voir mon ventre s’arrondir encore et porter la vie. J’aurais aimé voir grandir mes enfants ensemble, faire une fraterie d’âge différentes. Aujourd’hui ils auront ce lien unique de la gémellité. J’aurais aimé finalement tant de choses auxquelles je dois me résigner. Me résigner car trop de danger. Me résigner car trop compliqué. Me résigner et faire le deuil.

Je ne sais pas quel message j’ai envie de faire passer. Sûrement celui de faire attention à ce que l’on dit. Sûrement celui d’avancer malgré les difficultés imposées, ingérées.

J’aurais voulu. Je ne pourrai pas. Est-ce mon choix? Je me revois enceinte et trouver mon corps incroyable de fabriquer la vie et de se transformer à ce point pour faire de la place, pour accueillir, pour nourrir. Je vois mon ventre grossir, mes seins gonfler. Ce ventre à caresser et à parler. Qui d’autre qu’une femme enceinte peut parler à son ventre. Qui d’autre peut caresser son propre ventre et le choyer quand toutes les injonctions de la société veulent cacher ce coprs ou bien le modeler.

Le corps d’une femme est d’une beauté. Créer la vie. Créer du lait. Et toutes cette énergie puisée. C’est surement ces souvenirs que je veux garder. Mon corps changeant mais d’une beauté. Et parfois ça me donne envie. Dans un coin de ma tête, au creux de mon ventre, j’y pense.

Et puis je vois mes garçons, ces deux âmes pleines de vies. J’entends leurs rires, eux qui se marrent a longueur de journée ensemble. Leurs rires dans tous les bruits du monde. Je me résoud à n’avoir qu’eux, parce-que je n’arriverai sûrement pas à aimer une autre personne de cette façon. Je ne crois pas le pouvoir. Je serais incapable, je pense, d’aimer encore. J’ai aimé deux fois d’un coup. Cet amour puissant qui emporte tout. Et leurs yeux malicieux. Je pourrais décrire mes garçons, je pourrais parler d’eux des heures. Ils se ressemblent mais sont différents. Ils n’ont pas du tout le même caractère. C’est la force de la gémellité. Ce truc incroyable qu’ils ont entre eux et nous spectateurs de cet amour, de cette complicité.

Dans mes yeux, de mes yeux, c’est une explosion. Cet amour le retrouverai-je ailleurs ?