La maternité

La maternité

La maternité pour moi ce n’était pas ça. Ce n’était pas avoir une boule au ventre, un nœud dans la gorge en rentrant chez soi. Ce n’était pas rien ressentir, être privée de toute émotion. La maternité, je ne sais pas vraiment si je l’avais idéalisé. Si j’avais un idéal. Je n’avais jamais réellement pensé quelle genre de mère je voulais être. Je n’avais jamais idéalisé mon rôle de mère ni celle que je serais. Sans doute une mère aimante, à l’écoute, bienveillante et dans une approche de l’éducation positive.

Finalement, je crois ne m’être jamais posé la question. Ça vous tombe dessus. La maternité, je voyais ça comme facile, vous aimez votre enfant au premier regard, vous faites de lui votre monde et tout tourne autour de lui. Comme inné. Peut être ne serais-ce que dans les livres. La maternité pour moi ce n’était pas, être heureuse à 19h quand enfin ils dorment. Ce n’était pas être angoissée au petit matin dès leur réveil. Ce n’était pas pleurer toute la journée et encore moins demander tous les jours de l’aide à mes parents. La maternité pour moi ce n’était pas de la souffrance et encore moins de la dépression. Ce n’était pas de la culpabilité ni une source d’angoisse. J’étais persuadée que je saurai faire, que j’avais toutes les ressources au fond de moi pour tout affronter. J’étais persuadée d’avoir ce don maternel. Rien de tout ça. J’aime mes enfants par dessus tout. Mais je ne m’étais pas imaginée une seule seconde être démunie de tout mes repères, de tout mes moyens. Je n’étais pas prête à perdre mon identité, ma joie de vivre. Je n’avais pas pensé à vivre pour eux et être en survie.

La maternité, ça ne devrait pas être une multitude d’émotions que l’on ne sait pas gérer. La maternité, ce n’est pas hausser la voix quand tout s’écroule. La maternité ce n’est pas être loin de ses enfants et se sentir bien. On ne devrait pas arriver jusqu’à là. On devrait apprendre à créer du lien même dans la difficulté, certainement en étant mieux accompagnés. Mais on ne devrait pas être en total naufrage en pleine mère. Incomprise. Sans écoute. Impuissante. Sans main tendue. La maternité ça ne devrait pas tout remettre en question et s’oublier à ce point. La maternité ne devrait pas être synonyme d’isolement. La maternité n’aurai jamais dû me résoudre à devenir uniquement « maman » au lieu de « Pauline ». La maternité n’aurai jamais dû me démunir de ce que j’aime, de ce que je veux.

Parce que aujourd’hui c’est de ça dont je veux parler. Après que l’on m’ait privé de mon accouchement, foutu césarienne d’urgence, qui oui était nécessaire mais qui m’a volé ces premiers instants à tout jamais. Qui m’a fait oublier leurs premiers cris, leurs premiers regards, qui m’a plongé dans un sommeil et qui m’a privé de souvenirs. Aujourd’hui, je suis privée de qui je suis, je suis privée et déboussolée. Je suis dans ce mal de mère incessant. Je ne vis pas la maternité comme elle devrait être, joyeuse et pleine de nouveauté. Je ne devrais pas vivre cela comme un échec et une descente au enfer. La maternité ce n’est pas ça, je le sais, je le sens au fond de moi quelque chose ne va pas. J’aurai aimé me sentir bien, être la meilleure version de moi-même dans cette maternité et non mon pire cauchemar. 

Est-ce que cela aurait été différent si je n’avais eu qu’un enfant à la fois ? Est-ce que cela aurait été différent si je n’avais eu qu’un seul enfant ? Je ne sais pas. Ils sont deux. Et moi terriblement seule.

Les grossesses multiples sont-ils un facteur de risque de dépression post-partum ? Véritablement. Oui. Pensais-je y échapper ? Je ne savais même pas que cela existait. Que cela pouvait exister. Aujourd’hui je sais. Aujourd’hui je le vis. Malgré le désarroi, malgré les difficultés, aujourd’hui je sais. Que je suis vivante.