La solitude

La solitude

C’est fou ce que je me sens seule …

Après les avoir vu partir et laisser à leurs grands-parents pour le week-end. Je rumine… Mon cerveau est en ébullition alors que tout ce que je souhaitais c’était dormir, me reposer, prendre soin de moi, penser à moi. Mais rien de tout cela. Assise sur mon canapé, mon café à la main, je pense. Je pleure aussi, beaucoup. Ça fait mal de se retrouver après 9 mois collés à eux, seule. Affreusement seule et personne à qui parler, à qui hurler ma peine et mon désespoir. Seulement moi. Le silence. Les ronflements du chien. Rien d’autre.

Où sont passés les rires d’enfants et les pleurs ? Où sont mes inquiétudes, ma vigilance ?

Assise là, je suis vidée, anéantie. Plus vraiment moi-même. Plus vraiment la personne que je suis devenue, que j’ai appris à découvrir, à être et à apprivoiser ces derniers mois. Ce reflet me fait peur. Ces pensées me font peur. Ce silence est angoissant, affreusement angoissant. On s’habitue au bruit, comme aux nuits hachées. On s’habitue à tout. Ou presque. Ils me manquent. Ça, désormais, jamais je ne m’y habituerai. Et pourtant, parfois, je rêve d’une vie où ils ne sont plus là. Mauvaise mère. Mère indigne. Je ne crois pas. Je fais tout pour eux. Absolument tout. Je les berce même à 3h du matin, même après 6 tentatives de largage dans leur lit, en vain. Je les câline, je les cajole. Je les soigne et je les materne. Je les porte, je les embrasse. Je les aime à en perdre la raison.

Et ma raison je l’ai belle et bien perdue, depuis peu, depuis déjà trop longtemps. Quand un soir à 4h du matin, alors que pour la énième fois vous essayez d’endormir un de vos jumeaux, vous le prenez avec vous, et qu’une fois posé il hurle, vous êtes impuissante, le désarroi est proche. Quand à 4h du matin alors que votre conjoint est parti dormir avec l’autre jumeau, vous hurlez, à vous frapper la tête contre le mur pour ne plus entendre les pleurs, la fin est proche. Quand vous vous rendez compte qu’il est là, votre conjoint, attristé de vous voir dans un tel état mais ne peut pas vous consoler ni prendre le temps de s’occuper de vous, car désormais il a 2 enfants à gérer et surveiller, le précipice s’ouvre sous vos pieds. Il est presque 5h, vous avez pleuré toutes vos larmes, vous sombrez dans un sommeil non réparateur, la dépression a encore frappé. Et le burn out vous pend au nez. Votre tolérance est désormais en négatif.

Quand vous avez l’opportunité de les laisser une nuit, ou ne serait-ce deux jours à des personnes de confiance mais que vous êtes là à étouffer chez vous, à manquer d’air, la dépression et la solitude toquent à votre porte. Vous n’êtes que l’ombre de vous-même. La maternité vous a changé, transformé. Vous ne rêvez pas de cette vie d’avant et vous n’avez même pas le temps d’y penser de toute façon. Mais vous savez une chose, vous savez qu’elle est partie à tout jamais.

Vous faites simplement un travail thérapeutique, sur vous-même. Vous apprenez bien des choses. La mère d’aujourd’hui n’est que le reflet de la petite fille d’autrefois. Cette petite fille qui a tant manqué, qui s’est tant effacée, qui a volontairement coupé avec ses émotions pour ne pas souffrir. Cette petite fille qui n’a pas eu le choix et qui a fait comme elle a pu. Cette petite fille fragile qui s’est construite en se cachant derrière un véritable mur de pierre. Cette petite fille qui n’a manqué de rien, sauf du plus important : l’amour, la présence, l’affection, le toucher. Cette petite fille qui pour sa survie psychique a volontairement enfouie ses émotions et qui aujourd’hui fait que je suis cette femme, cette mère, cette personne seule, horriblement seule, incapable de faire parler des émotions, incapable de renouer avec elle.

28 ans sans rien montrer, dévoiler, ça fait des dégâts. Mais la mère aujourd’hui, veut briser, casser ce mur. La mère d’aujourd’hui, a le choix et va prendre le bon chemin. La mère d’aujourd’hui a compris. Blessée, meurtrie mais pas à terre. Prête à se relever pour apprendre à ses propres enfants, le pouvoir des émotions, de la communication. Peut-être qu’ils manqueront de matériel mais jamais d’amour, jamais de bras, jamais d’épaules sur qui pleurer, de jambes sur qui s’assoir pour discuter. Je ne suis pas parfaite, j’ai mis la barre sûrement trop haute mais pour eux, je suis prête à devenir la meilleure version de moi-même, pour eux, je suis prête à baisser ma garde, à détruire cette carapace. Pour eux, simplement, je suis prête à vaincre mes démons et mes peurs les plus profondes. Pour eux, toujours, je me surpasserai quitte à aller chercher dans mes entrailles les faiblesses de mon enfance et de ma jeunesse. Pour eux, je fais déjà du mieux que je peux, mais je ferai plus encore.

Je suis prête à me battre. Je suis prête à écouter cette petite fille pleine de colère et à mettre des mots sur ces maux, je suis prête à l’aimer et à accepter ce qu’il s’est passé. Je suis prête à l’écouter, lui faire une place. Sa place. Ma place.