Ma première sortie

Ma première sortie

février 22, 2022 2 Par Naufrage en pleine Mère

Après 7 jours sans être sortie de ma chambre d’hôpital, il est temps pour moi d’aller marcher. Je m’étais privée, c’est le terme, privée de sortir de cette chambre pour rester auprès de mes jumeaux. Privée de sortir comme on m’a privé de cette naissance et de ces premiers instants, me disant sûrement que j’allais les rattraper à rester avec eux sans arrêt. Erreur. L’erreur j’en avais déjà commise une quand à 30sa de grossesse j’avais une folle envie d’aller voir la mer, mon élément, avant ce chamboulement. L’erreur était telle qu’après 2h de route aller, marcher toute la journée puis 2h de route retour, les contractions se sont fait ressentir. J’ai fini aux urgences, un bébé était très bas, appuyant sur mon col qui rétrécissait. Menace d’accouchement prématuré. Piqûre de corticoïde pour la maturation des poumons des bébés et tractocile pour réduire voire stopper les contractions. Cela m’a valu un alitement pendant deux jours. Les contractions se sont estompées, j’ai pu repartir et rentrer chez moi. Mais là, c’était tout autre. Il fallait que je sorte. J’allais devenir folle entre ces 4 murs, ces 24m2.

Mi mai le printemps est là, il fait beau, le soleil rayonne dans la chambre jusqu’à 14h, il était temps que je prenne l’air mais cela voulait dire laisser mes petits garçons d’à peine 7jours à la puéricultrice du service, dans un couloir. La première fois était angoissante mais il fallait passer par là, pour moi, pour m’aérer, pour eux. J’ai donc appuyé sur ce bouton, et j’ai expliqué que j’avais besoin de sortir 15-20min. En écrivant ces mots, je me rend compte que 15min c’est le temps qu’il m’a fallut pour seulement sortir de l’hôpital. Marchant d’une lenteur déconcertante, poussant le berceau double comme un déambulateur, en appuie sur mon conjoint, courbée et douloureuse.

Les larmes qui coulent d’avoir laissé mes enfants dans ce couloir. Ce jour là, j’ai rejoint mes parents sur le parvis de l’hôpital, fière et heureuse de voir du monde et de discuter mais mon cerveau était bien loin, auprès d’eux, Aubin et Léon. Après cela, il a fallu rentrer.

Le ventre me tiraillait, du sang jaillissait de la compresse. C’était la première fois mais la fois de trop. J’avais fait trop d’efforts, efforts qui m’ont fait du bien au moral mais mon corps n’était pas de cet avis. Toutes les sorties qui ont suivies m’ont permises de tenir bon, sentir le soleil sur mon visage, le vent chaud dans mon cou, c’était bon de prendre goût à un retour à la vie normale. Quand vous êtes H24 dans une chambre d’hôpital, vous avez l’impression d’être complètement déconnectée de la réalité. Et ces petits instants de marches, de sorties, me rappelaient vraiment comme il était bon de s’assoir sur un banc quelques instants. Un jour sur deux je m’octroyais ce droit, ce plaisir de sortir. Mais mon corps n’en voulait pas. Le personnel médical était du même avis, j’en faisais trop. « Il faut rester allongée la majeure partie du temps ». Comment pouvais-je rester allongée alors que j’avais deux enfants à m’occuper, dont je ne voulais rien louper. Les changes. Les bains. « Vous en faites trop. »

Réouverture de la cicatrice sur le côté gauche. C’est alors qu’un ballet incéssant de médecins, internes sont arrivés en émettant chacun un avis et un diagnostic de soin. 4 en tout. Quatre. 4 et tous avaient une opinion différente. J’étais devenue un cobaye. Je ne voulais plus prendre les anti-douleurs, contre indiqués pendant l’allaitement mais dont on m’a alerté à j+5. Colère. Le tramadol que je prenais 4 fois par jour. Puis seulement 3. Puis 2. Puis juste avant de dormir. Je me souviens des effets sur mon cerveau. Complètement déconnectée. Shootée. Parfois je ne savais plus ce que je disais ou ce que j’entendais. J’étais plus là. Mon corps oui. Ma tête non. Ailleurs. Comme encore anesthésiée. Et voilà qu’on revenait me charcuter à coup de mèches, de strips, de points sans anesthésie… Colère.

Mes sorties, ce seul plaisir, sentir la brise sur moi, m’a anéantie. Cette cicatrice ne voulait pas cicatricer, en faisais-je trop ou plutôt, avaient-ils mal fait leur travail ? Pourquoi le côté droit, lui, cicatrisait à merveille. Je souffrais mais personne ne trouvait de solution. La crème cicatrisante n’a pas fonctionné. Fallait-il déjà estomper l’hématome qu’il y avait dessous. Les mèches n’ont pas marché puisque cela à réouvert la plaie jusqu’au milieu. Ironie. Les points, eux, leur rôle était de fermer. Cela à marché. Au bout de deux mois… Frustration. Une infirmière est venue chaque jour pendant 15 jours chez moi pour la nettoyer. Mais elle n’était pas convaincue. Il a donc fallut que je retourne à l’hôpital, ça suintait, c’était pas joli. Enlever les points. En remettre. C’était devenu quotidien. Deux mois. C’est long quand la douleur est là. Quand vous devez vous lever chaque jour et porter vos deux enfants. Si petits, qui n’attendent et ne veulent que vous, vos seins, votre chaleur.

Le mois d’or. Ce mois après l’accouchement, je le voulais chaleureux, cocooning, en famille, dans notre bulle. Cela a était tout autre. J’ai haï ces sorties et surtout ces médecins. J’ai haï cette césarienne et j’en ai voulu à mon fils qui l’a provoqué. J’ai haï ces infirmières, sages-femmes qui me disaient de rester au lit, de pas trop en faire alors que je venais de donner la vie non pas à un mais à deux enfants et qu’il fallait non pas un parent, mais deux. Et ce choix d’allaitement. J’ai haï ces sorties qui m’ont pourtant fait du bien. J’ai haï ces instants que l’on m’a volé par manque de conscience, de tact, de pédagogie, d’empathie.

Puis il a fallut se construire. S’aimer. J’apprends chaque jour grâce à eux, mes deux enfants. Mes miracles. J’apprends chaque jour à me surpasser, à non pas oublier mais vivre avec. Chaque jour à être une meilleure version de moi-même. Je suis née en même temps qu’eux. Ils m’ont rendu plus forte. Il m’ont rendu la vie. Ils m’ont rendu vivante.