Mon accouchement

Mon accouchement

février 14, 2022 4 Par Naufrage en pleine Mère

Cela ne pouvait pas mieux tomber, en ce 14 février, pour célébrer l’amour que de lancer mon blog. L’amour des mots. L’amour des mères. L’amour, l’amour celui qui m’habite et m’anime.

Dans ce premier article, je tenais à remercier Alice de l’atelier des mères @alicepostpartum pour m’avoir permise de me lancer, grâce à son amour des lettres et des lectures des mamans pendant cet atelier, je me suis rendue compte qu’il fallait que je raconte mon histoire, que c’était trop important. Parce que mon histoire peut être aussi la vôtre et en parler c’est s’en libérer. Alors merci Alice et merci aux mamans qui étaient là.

Et c’est avec une vive émotion et gratitude que je poste ce premier article et également celui que j’ai écris aujourd’hui dans l’atelier des mères.

« Mon accouchement »

Mes jumeaux sont nés a 37 Sa + 3 par un déclenchement. Ce déclenchement n’était en aucun cas prévu. Je l’ai appris le vendredi 7 mai pour un déclenchement le 10 mai (qui se fera finalement le 11 par manque de place ce jour là, mais j’y reviendrai). Ce déclenchement est dû à un léger retard de croissance in utero d’un des bébés, de la lourdeur de mon ventre, il faut le dire et de l’épuisement.

« 37 semaines, c’est bien. Vous êtes allez jusqu’au bout ». Voilà ce que j’ai entendu des mois et des mois. Oui c’est bien, pour eux, c’est très bien et je remercie mon corps si fabuleux qui a fait grandir non pas un mais deux bébés et qui sont allés si loin.

Mais j’aimerai vous raconter l’indicible. Mon indicible. Ce jour, cette date et ces heures que je ne pourrais oublier. L’indicible dans l’horreur. Ce 11 mai, alors que les premières heures suite à mon déclenchement se passaient relativement bien. On m’avait percé la poche des eaux à 8h, mon col étant ouvert à 3, déjà. Oui déjà. Les choses se mettaient en place, mes garçons, je le sentais, connaissaient déjà le chemin. 6h plus tard je prenais la péridurale, le col se dilatait bien mais lentement et donc avec, la perfusion l’ocytocine de synthèse. Je vivais tout cela sereinement, je n’avais pas l’angoisse de l’imprévu, ni du trajet. Tout était programmé. Je ne m’attendais à rien parce qu’on a beau être préparés via les cours, ce jour là reste unique et inconnu. Je voyais déjà ce dont je rêvais, la voie basse et l’amour. On s’attend rarement à ce que tout bascule. Et pourtant. Ce jour je l’attendais. Cette rencontre. Enfin. C’était sûr, c’était aujourd’hui, la fin de cette grossesse et le début de cette nouvelle vie.

15h de travail, voilà le temps qu’il m’a fallu. 15h dans cette chambre, à attendre les vagues m’envahir, m’anéantir. 15h à me faire osculter toutes les heures par la sage femme mais pas seulement, comprenez bien, des jumeaux c’est alléchant, les internes s’y mettent, les médecins en passant. 15h c’est le temps qu’il a fallu à mon premier enfant pour descendre dans mon bassin. Bassin étroit mais tellement large pour lui qui cohabitait depuis 8mois avec son frère, étriqué, compressé. Trop large pour lui, qui a décidé de relevé la tête. Bloqué. Cela arrive dans environ 1% des cas me dit on ce jour-là. Ironie. C’est à ce moment, 22h40, que tout bascule. Je lui en veux, à ce bébé que je chéri déjà tant. Je lui en veux. Ce n’est plus une sage femme et une interne mais des dizaines de personnes qui accourent dans ma chambre. Avec un seul mot en bouche : césarienne d’urgence. Sans que je n’y comprenne rien. On me met la dose de trop dans ma péridurale, celle qui me fera vomir. Je n’ai plus le temps de placer un mot, je pleure mais personne ne s’en préoccupe, ce qu’ils veulent c’est que je me taise pour pouvoir me transporter au bloc opératoire. Je demande à ce qu’on m’explique. En vain. Le néant. Mon corps rendu public devant une vingtaine de personnes. Les seuls mot que j’entendrai avant de déconnecter : « on vous attache les mains madame sinon vous allez avoir le réflexe de toucher votre ventre« . Telle une bête sur la table de l’abattoir, voilà ce que j’ai pensé. 10min de préparation, 15h de travail pour en arriver là, couchée sur une table froide, au bloc opératoire, des lumières qui vous aveuglent, avec des gens qui parlent comme si vous n’étiez pas la, des bruits d’aspiration, mon conjoint qui me tient la main. Je voudrais du silence, je voudrais pousser. Je voudrais simplement ne pas être là. Là à subir. Là à ne plus contrôler. Tout cela est pour moi insoutenable, et je comprendrai le pourquoi bien plus tard. C’est le ventre que l’on m’ouvre à 23h15 en me demandant de pousser. Je pousse alors sans conviction. À quoi bon pousser quand mes enfants vont être littéralement arrachés de mon ventre par des mains inconnues sous latex. Le premier est sorti, je l’entend pleurer. Mais il est déjà parti. On me demande de pousser une seconde fois, le deuxième s’est mis en siège, il faut aller le chercher. Puis rien. C’est alors qu’on crie a l’autre bout de la pièce, vous l’entendez pleurer? C’est pourtant moi qui pleure a ce moment là. Meurtrie. À l’agonie. Je pleure de cette douleur, de ce peu de pédagogie, ce manque d’humanisme. On me présente mes deux enfants, en me détachant enfin les mains, je n’ose pas les toucher. Est ce vraiment les miens? Je suis honteuse de penser ça. Mes paroles sont confuses. Aubin et Léon, c’est tout ce que j’arrive à prononcer. Leurs doux prénoms dans ma pénombre. Je comprend alors que l’on m’a remis une dose d’anesthésie. C’est le moment de me recoudre. Je me sens partir. Je ne comprends rien. Mon conjoint est parti avec nos deux enfants, sans savoir s’il devait rester auprès de moi ou accourir auprès d’eux. Ce sera mon premier sacrifice en tant que mère, celui que l’on oublie pas, celui qui vous marque au fer rouge. Je viens de donner la vie. Deux bébés. Mais il n’y a aucune chaleur là où je suis. Je suis seule la seconde d’après, entourée de gens qui me sont inconnus, ne me portant aucune attention. Je me reveillerais 45min plus tard. Seule. Affreusement seule. Mon ventre n’est plus rond, j’ai mal, non au ventre mais au coeur surtout. Le premier peau à peau ne sera pas le mien, les premiers regards non plus, la première tétée d’accueil de longues heures plus tard.

Quand enfin, je les rencontre, les sages-femmes me félicitent, « ils sont magnifiques, vous êtes une mère battante« . Pourtant mère, je ne le suis pas devenue ce jour là.

Et vous, quel(s) souvenir(s) en gardez vous? ✨