
Mon corps


Mon corps, il fallait bien que je parle de lui.
Souvent moqué par sa maigreur plus jeune, à cela le manque de poitrine. Mon corps, celui que je n’ai pas toujours aimé et très peu choyé. Il a fait le yoyo. Il a tenu une ligne. Pas trop mince comme il faut. Ou plutôt comme il fallait que ce soit. Comme il fallait qu’il soit vu au yeux de tous, de la société. Ce corps donné, ce corps repris. Ce corps malmené et parfois enveloppé. Ce corps touché, embrassé. Ce corps attrapé. Ce corps qui ne dit rien. Pourtant il est mien, il m’appartient. Il me lève, me relève, me fait avancer. Il est là, ne failli presque jamais.
Ce corps qui a accueilli la vie, doublement. Qui a grossi au fil des jours, des semaines et des mois. Ce corps, mon corps qui a fait grandir ces deux adorables bébés, grossir, leur a tout donner pour être en bonne santé. Ce corps qui a fabriqué du lait. Fait couler des torrents d’eau. A ris à en avoir mal aux abdos. A supporté tant de poids sur les épaules. Ce corps qui a continué de marcher alors qu’il était à terre. Ce corps plein de réserves, de ressources. Je ne le regarde plus aujourd’hui. Plus comme autrefois. Je ne le regarde pas à travers un miroir ni en passant devant une vitrine.
Pourtant il n’a pas tant changé que ça. Il a donné la vie. Il a été ouvert en deux. Il est passé d’un 36 à un 38. Et ça m’est tellement égal. Mes hanches et mon bassin se sont élargis. Mes fesses ne sont plus aussi bombées qu’à mes 20ans. Mes bras probablement plus distandus, flasques.
Mon corps a fabriqué la vie et on lui a repris. Comme si lui, n’existait plus, avec la naissance de mes enfants. Mes seins déjà petits sont passés d’un 90b à un 80a alors qu’ils étaient à leur apogée pendant la grossesse et l’allaitement.
Personne ne nous dit tout ce que l’on perd en donnant la vie.
Ce ventre qui ne sera plus jamais comme avant. Jamais vraiment musclé mais plutôt affiné n’est désormais qu’un ventre gonflé et scarifié d’une cicatrice boursouflée. Il a pris cher ce corps que j’aimais tant quand j’étais jeune femme, frêle et pimpante.
Il me manque finalement ce corps que je n’ai pas toujours respecté. Élancé, droit, élégant, toujours bien apprêté, pas tout à fait pour se faire remarquer mais assez pour se retourner.
Aujourd’hui il n’est plus celui qu’il était. Les poils ont repris leur place. Les cernes ont fait la leur. Le teint pâle et les tâches de rousseurs sont réapparus. Les cheveux se sont perdus en poignée et leur épaisseur a disparu. Il n’y a que trois choses qui n’ont pas changées. La couleur de mes yeux, ce vert teinté de fragments jaunes dans lequel on peut y lire ma vie, ces lèvres pulpeuses et roses et ce sourire qui dit tout et son contraire mais qui est là, en permanence, comme une marque de fabrique.
Le peu de fois où je me regarde, je me reconnais très peu, les traits sont là, similaires à autre fois mais il ne veulent plus dire la même chose. Il ne parle plus et ne transpire plus de la même chose. Ne vit plus non plus pour la même chose. Mon éternuement n’est plus le même lui non plus. Changé au gré du temps pour ne pas faire de bruit. Changé pour se retenir. La retenue. Mon éternuement se retient tout comme mon corps de ne pas tomber, ne pas flancher, ne pas sombrer.
Mon corps, ce héros d’avoir tant changé. Mon corps, je ne le déteste pas, je ne le reconnais juste pas. Et moi, moi dans ce corps, je ne suis pas la même non plus. J’ai perdu bien des choses. Mon poids est le même qu’avant la grossesse mais tout est différent. Se rendre compte c’est un pas. Le pas je l’ai sauté et je suis revenue dessus. Je ne sais pas quelle Pauline je préfère, ni même quel corps. Après tout, il m’a permis de vivre tout cela. Il a gagné bien des batailles. Il fait de moi ce que je suis.
Un jour je reviendrais à mes premiers amours, les vêtements, les talons, les tailleurs, les tailles hautes, tout ce qui me fascinait. Un jour, ça reviendra, j’en suis sure. Parce que je rêvais d’être cette maman classe à la sortie de l’école. Je rêvais de ne jamais m’oublier. Sur tous les plans. Je m’en était fait la promesse. Je peux dire, et l’avouer, non je ne l’ai pas tenu. Je n’ai pas tenu cette promesse la. Mais j’ai tenu d’autres bras, dautres mains, j’ai tenu d’autres choses, tant d’autres choses, que ce corps je le remercie et je lui dois tout. Jusqu’au pardon. Pardon de ne t’avoir jamais estimé, tu as pourtant toujours été mon pilier. Mon corps, ce pilier.




